Lundi
13 août 2012, Radio Okapi annonçait la défection à Kananga, au
Kasaï-Occidental, du Colonel John Tshibangu, Commandant adjoint et Chef
d’état-major de la 4ième Région militaire, accompagné d’un groupe
des militaires des FARDC.
Quelques
jours plus tard, les auditeurs de la Radio Okapi suivait sur la voix des ondes
la première déclaration publique de celui qui se présente désormais comme
Lieutenant Général : « Je vous apprends que je suis Lieutenant Général
Tshibangu, je ne suis plus colonel. Je fais défection et avec un bon nombre des
nos militaires. Je vous informe que nous sommes le mouvement pour la
revendication de la vérité des urnes. Quand nous luttons contre toute forme de
balkanisation de notre très beau pays, le Congo, c'est-a-dire que nous sommes
contre tous ceux-là qui cherchent à amener notre pays à une balkanisation
! »
Cette
actualité qui a été par la suite relayée par la Radio France International est
un vrai pavé dans la mare : les congolais au pays et dans la diaspora ont
commencé à se poser des questions sur cet homme et ses motivations…
Samedi
18 août 2012, John Tshibangu tente d’apporter quelques réponses lors d’un
entretien téléphonique avec le site d’information ‘Congo Indépendant’. Voici la
teneur dette interview :
« Le mouvement que je dirige procède
de l’initiative d’un Congolais à cent pour cent», lance-t-il en liminaire.
Pourquoi a-t-il attendu huit mois après l’organisation des élections pour
lancer son "mouvement pour la vérité des urnes" ? «Nous espérions que
le personnel politique allait trouver une solution politique aux problèmes nés
après l’élection présidentielle chahutée du 28 novembre 2011. Rien n’a été
fait. Nous nous sommes concertés avec des amis avant de prendre notre
décision…». Quels sont les objectifs de son mouvement ? «La population
congolaise demande le changement. Le 28 novembre dernier, Etienne Tshisekedi wa
Mulumba a été élu président de la République. Notre objectif est de l’installer
à la tête de l’Etat». A-t-il été contacté par des officiels à Kinshasa après
son «départ» ? «Il y a eu une tentative d’amorcer des négociations avec moi
mais ma décision est irrévocable. J’ai levé l’option de lutter pour l’avènement
de la démocratie»…
Quel est le fait ou événement qui a
joué le rôle de «détonateur» à sa défection ? «John» dit garder encore quelques
«détails secrets» qu’il divulguera «prochainement». Revenant sur la naissance
de la mutinerie du M-23, il dit : «Au commencement, les mutins étaient à peine
une trentaine d’hommes, curieusement les autorités de Kinshasa ont ordonné un
cessez-le-feu alors que les FARDC pouvaient anéantir cette action. Comment ne
pas suspecter le gouvernement d’avoir ordonné un cessez-le -feu pour permettre
aux insurgés de gagner du temps pour se renforcer en hommes et en matériel ?».
Autre grief articulé par le colonel Tshibangu: «Joseph Kabila devait faire une
déclaration de la guerre dès que la communauté internationale a confirmé
l’implication du Rwanda dans l’agression contre le Congo. En ne le faisant pas,
il a bradé la souveraineté nationale en transformant le Congo en un pays de
pleurnicheurs du soutien de la communauté internationale… ». [Source : http://www.congoindependant.com/article.php?articleid=7480]
Voici l’homme
Mais,
qui est réellement John Tshibangu ? Comment en est-il arrivé à devenir Lieutenant
Général et Chef d’état-major de l’Armée Populaire pour le Changement et la Démocratie
(A.P.C.D.), un mouvement ‘patriotique’ qui revendique la « vérité des
urnes » et qui est contre toute forme de « balkanisation » de la
R.D.C ? Et pourtant, cet officier de l’armée a servi le Congo-Zaïre
pendant 24 ans et s’est distingué par sa loyauté, son humilité et surtout sa
bravoure !
Né
en 1970, cet ancien Commandant second, Colonel et Chef des opérations de la 4ième
Région Militaire des FARDC basé à Kananga, est un militaire de formation doté
des expériences de guerre de l’armée nationale et de la rébellion.
Formation commando anti-terrorisme et en
renseignements militaires
John
Tshibangu est né dans cette même ville de Kananga où il a fait ses études
primaires et secondaires. En 1988, il s’est enrôlé à l’Ecole de formation
militaire (EFO). Ayant passé un concours de sélection, il rejoint le camp de
Kitona… Ensuite, il sera envoyé en Israël pour une formation de ‘Commando
Anti-terroriste’ pendant une année, avant de revenir au pays au Centre
d’entrainement des troupes aéroportés (CETA) pour une autre formation de para-commando
et renseignements militaires. Le Sous-lieutenant John Tshibangu fut affecté aux
Services d’action et de renseignements militaires (SARM) à Kinshasa et par la
suite, il intégra la Division spéciale présidentielle (DSP). Plus tard devenu ‘Lieutenant’, cet officier avait
participé dans différents séminaires sur le commandement de bataillons et de
compagnies.
L’art de la guerre
A
l’avènement de Mzee Laurent Désiré Kabila avec l’Alliance des Forces
Démocratiques pour la Libération (AFDL) en 1996, il se trouvait à Kinshasa. Les
Forces Armées Zaïroises étaient désormais les Forces Armées Congolaises
(FAC) : le Lieutenant John Tshibangu fut nommé Commandant du Régiment Kongolo
I par ‘Mzee’ qui préférait travailler avec les jeunes officiers… Il partit à
Mwene-Ditu, Kongolo, puis Uvira. C’est là qu’il fut placé comme ‘Commandant de
Bataillon’, basé à Baraka.
En
1998, un mouvement rebelle créé par le Rwanda pour combattre le Président
Laurent Désiré Kabila voyait le jour à Goma, il s’agissait du Rassemblement
Congolais pour la Démocratie (RCD). Ce mouvement qui commença par conquérir les
provinces de l’Est de la République fit face aux troupes loyalistes dirigé par
le Commandant John Tshibangu et 4 autres officiers qui organisèrent une
résistance à Uvira attendant en vain le ravitaillement d’un Commandant basé à
Kalemie. A bout des munitions, John Tshibangu et ses compagnons d’armes
finirent par se ‘rendre’ à l’ennemi qui les intégra dans l’armée du RCD-Goma. Cependant,
ces officiers loyalistes entretenaient encore des contacts secrets avec la
‘haute hiérarchie militaire’ à Kinshasa – on dit qu’ils étaient en contact
direct avec le Président de la République Mzee Laurent Désiré Kabila !
Un ‘rebelle’ malgré lui
Redoutant
John Tshibangu et les autres militaires ayant tenté une résistance contre
l’armée du RCD et Alliés, le mouvement rebelle choisit d’éloigner ces soldats
qu’il juge peu malléables : ils furent envoyés à pied de Bukavu à Kasongo,
au Maniema, pour faire face au front contre les Zimbabwéens. Plus tard,
certains soldats dont John Tshibangu furent ramenés à Goma en attendant une
éventuelle réaffectation…
Cependant,
John ‘le commando’ qui n’a jamais rompu le contact avec sa hiérarchie militaire
à Kinshasa se refuse d’être dompté par le RDC & Alliés : il prépara en
toute discrétion une ‘opération commando’ et patiemment, il attendit son heure
pour ‘frapper’. Mzee en était informé et se préparait à recevoir son homme du
camp ennemi. Un beau jour de l’an 2000, au cœur de la rébellion, un Antonov de
la compagnie rwandaise CAGEL opérant un vol de routine entre Goma et Kindu pour
amener des militaires RDC & Alliés au front fut détourné par un certain John
Tshibangu infiltré à son bord avec un commando. Il ‘neutralisa’ les passagers à
bord et instruit l’équipage de mettre le cap sur Kinshasa, via
Mbuji-Mayi ! N’ayant pas suffisamment de carburant, l’Antonov atterrît en
catastrophe à Sala-Mabila, au Maniema.
La traversée du désert
Le
commando John Tshibangu fut arrêté, torturé et ramené à Goma où il fut jugé et
condamné à mort. Il fut emprisonné à Rwanda, mais il parvint à s’évader six mois
plus tard. Il rentra à Goma et fut de nouveau arrêté. Cette fois, il fut déféré
devant un tribunal qui siégea en audience publique dans la salle de la Banque
de développement des pays de grands lacs (BDGL) : il fut encore condamné à
mort, et en attendant la sentence, il était incarcéré à la Prison centrale de
Munzenze. John Tshibangu parvint une fois de plus à s’évader… Ne pouvant plus
rester à Goma où il est recherché par les services du RCD-Goma et alliés, John
a connu quelques semaines de vie clandestine dans cette ville avant de prendre contact
avec des officiers amis d’un mouvement dissident du RCD-Goma, le RCD/KML dirigé
par Mbusa Nyamwisi. Ce dernier entretenait déjà des relations de collaboration
avec le nouveau Gouvernement de Joseph Kabila à Kinshasa.
La guérilla des rebellions
John
Tshibangu décida de quitter Goma afin de rejoindre le territoire de Beni-Lubero
sous l’administration du RCD/KML pour des raisons de sécurité. Dans ce
territoire, il prit de nouveau part aux combats pour gagner et défendre la cité
Kanyabayonga contre les troupes du RCD-Goma et Alliés dans leur tentative de
percer vers le nord de la Province du Nord-Kivu contrôlée par le Groupe rival
du RCD/KML. Il participa aussi aux batailles contre le Mouvement de Libération
du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, dont les forces tentèrent de conquérir
Bunia et Isiro dans le cadre de la fameuse opération « Effacer le
tableau ». Dans cette partie du pays, John Tshibangu s’est distingué dans
les méthodes de la guérilla et l’organisation des forces d’auto-défense
populaire, communément appelé Maï-Maï. En guise de gratification il fut nommé
Commandant de la brigade de Butembo.
Le soldat de la Res Publica
A
la suite de la conclusion des accords de Sun City de 2003 qui consacrèrent la
réunification du pays, John Tshibangu ‘réintègre’ l’armée nationale et fut nommé
Commandant de la Brigade de Beni. Il prit également part à Kisangani en 2005 au
processus de brassage et de formation de nouvelles brigades pour la mise sur
pied de la nouvelle armée nationale et devint Commandant adjoint de la 14e
Brigade intégrée basée à Shabunda.
En
août 2006, entre les deux tours de l’élection présidentielle, une guerre éclata
en pleine ville de Kinshasa entre Kabila et Bemba. John Tshibangu, alors Lieutenant-colonel
et Commandant adjoint de la 14e Brigade intégrée, fut rappelé
d’urgence dans la capitale en appui au bataillon de la GSSP/GR (Groupe Spécial
de Sécurité Présidentielle/Garde Républicaine) qui n’avait pas
d’expérience de guerre face aux miliciens de Jean-Pierre Bemba dont les
tactiques s’étaient révélées supérieures. Puis, il retourna au front de l’Est
du pays face à une nouvelle rébellion.
Le « Tombeur » de Mushaki
En
fin 2007, suite à l’avancée des troupes du CNDP (Congrès Nationale pour la
Défense du Peuple) dirigées par Laurent Nkunda, le Haut Conseil Militaire fut
réuni autour du Chef d’état-major des FARDC avec l’objectif de contrer
l’avancée de la rébellion. Le Lieutenant-colonel fut invité à cette réunion et se
distingua par ses options et tactiques militaires. Il renforça le verrou de
Goma et prit le front de Mushaki qui infligea au CNDP une rare défaite… Bizarrement,
sa hiérarchie lui ordonna de rentrer rapidement au Quartier Général de Goma
pour une autre réunion qui fut reportée à son arrivée, dans l’entre-temps, les
troupes du CNDP reprirent la localité de Mushaki.
La Guerre contre le CNDP
Au
cours de 2008, John Tshibangu devenu Colonel à la tête de la 18e
Brigade intégrée (entrainée en Angola) avait livré une guerre mortelle contre
la rébellion du CNDP. Vers la fin de l’année, la 18e Brigade
intégrée arriva à briser les lignes du CNDP lors de la ‘bataille de Kibati’ en
repoussant Laurent Nkunda vers Sengerero et Bosco Ntaganda vers Mushaki.
En
Janvier 2009, le Colonel John Tshibangu et ses vaillants soldats de la 18e
Brigade intégrée se trouvaient autour du QG de Laurent Nkunda à Sengerero
lorsqu’ils furent gênés dans leur élan par l’ordre venu de la hiérarchie pour
arrêter les combats : le Commandant de la Région militaire lui ordonna de
cesser les feux contre le CNDP et de permettre l’entrée des Forces de Défense
Rwandaise pour une opération conjointe contre les FDLR (Forces Démocratiques
pour la Libération du Rwanda)… Cette nuit-là, le Colonel John Tshibangu
s’opposa à cet ordre ‘mal donné que le Chef d’Etat-major ne connaissait pas, jusqu’au
matin où il reçut l’émissaire et la confirmation du ‘Commandant Suprême’ !
Laurent Nkunda fut arrêter et emmené au Rwanda, tandis que Bosco Ntaganda
devenu chef du CNDP fut intégré dans les FARDC au rang de Général d’armée et
Commandant des opérations conjointes contre les FDLR ; et John Tshibangu
fut affecté comme Commandant de Brigade à Nyamilima et Kiwanja.
Loin des zones de combat
Depuis,
le Colonel John Tshibangu a été affecté à Kananga, au Kasaï-Occidental en tant
que Commandant adjoint de la 4e Région Militaire.
En
novembre 2011, des élections frauduleuses sont organisées en République
Démocratique du Congo en faveur du Président sortant Joseph Kabila, le pays
connait une nouvelle crise de légitimité. En avril 2012, pendant qu’aucune
solution politique n’était envisagée, une ‘mutinerie’ des soldats ex-CNDP est
organisée avec le soutien en hommes et en matériel du Rwanda pour la création
d’un nouveau ‘mouvement rebelle’ appelé M-23 (Mouvement du 23 mars, date des
accords de paix entre le Gouvernement de Kabila et le CNDP).
Création de l’Armée Populaire pour le
Changement et la Démocratie
Que
faire face à un Gouvernement qui dirige par défi en s’imposant par la force
contre son propre peuple ? Que faire face à un Gouvernement qui brade la
souveraineté nationale par des actes qui frise la haute trahison dans sa
gestion de la rébellion du M-23 et de l’agression rwandaise ?
Après
des concertations, le Colonel John Tshibangu, alors Commandant de la 4e
Région militaire, et « ses amis » se décident de créer un mouvement
armée des congolais authentiques pour revendiquer la ‘vérité des urnes’ et
lutter contre toute forme de ‘balkanisation’ !
Il
y a eu des tentatives pour le dissuader en présentant sur la table une veille offre
de sa nomination au grade de Général d’armée ; mais John Tshibangu qui
croit fermement que l’armée doit être au service du peuple et non d’un individu
se refuse de faire marche arrière et accepte le sacrifice de prendre la tête de
l’Armée du Peuple congolais pour le Changement et la Démocratie.
Ainsi,
John Tshibangu est devenu Lieutenant-Général & Chef d’Etat-major de
l’A.P.C.D. !!!