dimanche 2 septembre 2012

ECCE HOMO : LIEUTENANT GENERAL JOHN TSHIBANGU


Lundi 13 août 2012, Radio Okapi annonçait la défection à Kananga, au Kasaï-Occidental, du Colonel John Tshibangu, Commandant adjoint et Chef d’état-major de la 4ième Région militaire, accompagné d’un groupe des militaires des FARDC.
Quelques jours plus tard, les auditeurs de la Radio Okapi suivait sur la voix des ondes la première déclaration publique de celui qui se présente désormais comme Lieutenant Général : « Je vous apprends que je suis Lieutenant Général Tshibangu, je ne suis plus colonel. Je fais défection et avec un bon nombre des nos militaires. Je vous informe que nous sommes le mouvement pour la revendication de la vérité des urnes. Quand nous luttons contre toute forme de balkanisation de notre très beau pays, le Congo, c'est-a-dire que nous sommes contre tous ceux-là qui cherchent à amener notre pays à une balkanisation ! »
Cette actualité qui a été par la suite relayée par la Radio France International est un vrai pavé dans la mare : les congolais au pays et dans la diaspora ont commencé à se poser des questions sur cet homme et ses motivations…
Samedi 18 août 2012, John Tshibangu tente d’apporter quelques réponses lors d’un entretien téléphonique avec le site d’information ‘Congo Indépendant’. Voici la teneur dette interview :
« Le mouvement que je dirige procède de l’initiative d’un Congolais à cent pour cent», lance-t-il en liminaire. Pourquoi a-t-il attendu huit mois après l’organisation des élections pour lancer son "mouvement pour la vérité des urnes" ? «Nous espérions que le personnel politique allait trouver une solution politique aux problèmes nés après l’élection présidentielle chahutée du 28 novembre 2011. Rien n’a été fait. Nous nous sommes concertés avec des amis avant de prendre notre décision…». Quels sont les objectifs de son mouvement ? «La population congolaise demande le changement. Le 28 novembre dernier, Etienne Tshisekedi wa Mulumba a été élu président de la République. Notre objectif est de l’installer à la tête de l’Etat». A-t-il été contacté par des officiels à Kinshasa après son «départ» ? «Il y a eu une tentative d’amorcer des négociations avec moi mais ma décision est irrévocable. J’ai levé l’option de lutter pour l’avènement de la démocratie»…
Quel est le fait ou événement qui a joué le rôle de «détonateur» à sa défection ? «John» dit garder encore quelques «détails secrets» qu’il divulguera «prochainement». Revenant sur la naissance de la mutinerie du M-23, il dit : «Au commencement, les mutins étaient à peine une trentaine d’hommes, curieusement les autorités de Kinshasa ont ordonné un cessez-le-feu alors que les FARDC pouvaient anéantir cette action. Comment ne pas suspecter le gouvernement d’avoir ordonné un cessez-le -feu pour permettre aux insurgés de gagner du temps pour se renforcer en hommes et en matériel ?». Autre grief articulé par le colonel Tshibangu: «Joseph Kabila devait faire une déclaration de la guerre dès que la communauté internationale a confirmé l’implication du Rwanda dans l’agression contre le Congo. En ne le faisant pas, il a bradé la souveraineté nationale en transformant le Congo en un pays de pleurnicheurs du soutien de la communauté internationale… ». [Source : http://www.congoindependant.com/article.php?articleid=7480]
Voici l’homme
Mais, qui est réellement John Tshibangu ? Comment en est-il arrivé à devenir Lieutenant Général et Chef d’état-major de l’Armée Populaire pour le Changement et la Démocratie (A.P.C.D.), un mouvement ‘patriotique’ qui revendique la « vérité des urnes » et qui est contre toute forme de « balkanisation » de la R.D.C ? Et pourtant, cet officier de l’armée a servi le Congo-Zaïre pendant 24 ans et s’est distingué par sa loyauté, son humilité et surtout sa bravoure !        
Né en 1970, cet ancien Commandant second, Colonel et Chef des opérations de la 4ième Région Militaire des FARDC basé à Kananga, est un militaire de formation doté des expériences de guerre de l’armée nationale et de la rébellion.
Formation de commando anti-terrorisme et renseignements militaires
John Tshibangu est né dans cette même ville de Kananga où il a fait ses études primaires et secondaires. En 1988, il s’est enrôlé à l’Ecole de formation militaire (EFO). Ayant passé un concours de sélection, il rejoint le camp de Kitona… Ensuite, il sera envoyé en Israël pour une formation de ‘Commando Anti-terroriste’ pendant une année, avant de revenir au pays au Centre d’entrainement des troupes aéroportés (CETA) pour une autre formation de para-commando et renseignements militaires. Le Sous-lieutenant John Tshibangu fut affecté aux Services d’action et de renseignements militaires (SARM) à Kinshasa et par la suite, il intégra la Division spéciale présidentielle (DSP).  Plus tard devenu ‘Lieutenant’, cet officier avait participé dans différents séminaires sur le commandement de bataillons et de compagnies.
L’art de la guerre
A l’avènement de Mzee Laurent Désiré Kabila avec l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération (AFDL) en 1996, il se trouvait à Kinshasa. Les Forces Armées Zaïroises étaient désormais les Forces Armées Congolaises (FAC) : le Lieutenant John Tshibangu fut nommé Commandant du Régiment Kongolo I par ‘Mzee’ qui préférait travailler avec les jeunes officiers… Il partit à Mwene-Ditu, Kongolo, puis Uvira. C’est là qu’il fut placé comme ‘Commandant de Bataillon’, basé à Baraka.
En 1998, un mouvement rebelle créé par le Rwanda pour combattre le Président Laurent Désiré Kabila voyait le jour à Goma, il s’agissait du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD). Ce mouvement qui commença par conquérir les provinces de l’Est de la République fit face aux troupes loyalistes dirigé par le Commandant John Tshibangu et 4 autres officiers qui organisèrent une résistance à Uvira attendant en vain le ravitaillement d’un Commandant basé à Kalemie. A bout des munitions, John Tshibangu et ses compagnons d’armes finirent par se ‘rendre’ à l’ennemi qui les intégra dans l’armée du RCD-Goma. Cependant, ces officiers loyalistes entretenaient encore des contacts secrets avec la ‘haute hiérarchie militaire’ à Kinshasa – on dit qu’ils étaient en contact direct avec le Président de la République Mzee Laurent Désiré Kabila !
Un ‘rebelle’ malgré lui
Redoutant John Tshibangu et les autres militaires ayant tenté une résistance contre l’armée du RCD et Alliés, le mouvement rebelle choisit d’éloigner ces soldats qu’il juge peu malléables : ils furent envoyés à pied de Bukavu à Kasongo, au Maniema, pour faire face au front contre les Zimbabwéens. Plus tard, certains soldats dont John Tshibangu furent ramenés à Goma en attendant une éventuelle réaffectation…
Cependant, John ‘le commando’ qui n’a jamais rompu le contact avec sa hiérarchie militaire à Kinshasa se refuse d’être dompté par le RDC & Alliés : il prépara en toute discrétion une ‘opération commando’ et patiemment, il attendit son heure pour ‘frapper’. Mzee en était informé et se préparait à recevoir son homme du camp ennemi. Un beau jour de l’an 2000, au cœur de la rébellion, un Antonov de la compagnie rwandaise CAGEL opérant un vol de routine entre Goma et Kindu pour amener des militaires RDC & Alliés au front fut détourné par un certain John Tshibangu infiltré à son bord avec un commando. Il ‘neutralisa’ les passagers à bord et instruit l’équipage de mettre le cap sur Kinshasa, via Mbuji-Mayi ! N’ayant pas suffisamment de carburant, l’Antonov atterrît en catastrophe à Sala-Mabila, au Maniema.
La traversée du désert
Le commando John Tshibangu fut arrêté, torturé et ramené à Goma où il fut jugé et condamné à mort. Il fut emprisonné à Rwanda, mais il parvint à s’évader six mois plus tard. Il rentra à Goma et fut de nouveau arrêté. Cette fois, il fut déféré devant un tribunal qui siégea en audience publique dans la salle de la Banque de développement des pays de grands lacs (BDGL) : il fut encore condamné à mort, et en attendant la sentence, il était incarcéré à la Prison centrale de Munzenze. John Tshibangu parvint une fois de plus à s’évader… Ne pouvant plus rester à Goma où il est recherché par les services du RCD-Goma et alliés, John a connu quelques semaines de vie clandestine dans cette ville avant de prendre contact avec des officiers amis d’un mouvement dissident du RCD-Goma, le RCD/KML dirigé par Mbusa Nyamwisi. Ce dernier entretenait déjà des relations de collaboration avec le nouveau Gouvernement de Joseph Kabila à Kinshasa.
La guérilla des rebellions
John Tshibangu décida de quitter Goma afin de rejoindre le territoire de Beni-Lubero sous l’administration du RCD/KML pour des raisons de sécurité. Dans ce territoire, il prit de nouveau part aux combats pour gagner et défendre la cité Kanyabayonga contre les troupes du RCD-Goma et Alliés dans leur tentative de percer vers le nord de la Province du Nord-Kivu contrôlée par le Groupe rival du RCD/KML. Il participa aussi aux batailles contre le Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, dont les forces tentèrent de conquérir Bunia et Isiro dans le cadre de la fameuse opération « Effacer le tableau ». Dans cette partie du pays, John Tshibangu s’est distingué dans les méthodes de la guérilla et l’organisation des forces d’auto-défense populaire, communément appelé Maï-Maï. En guise de gratification il fut nommé Commandant de la brigade de Butembo.
Le soldat de la Res Publica
A la suite de la conclusion des accords de Sun City de 2003 qui consacrèrent la réunification du pays, John Tshibangu ‘réintègre’ l’armée nationale et fut nommé Commandant de la Brigade de Beni. Il prit également part à Kisangani en 2005 au processus de brassage et de formation de nouvelles brigades pour la mise sur pied de la nouvelle armée nationale et devint Commandant de la 14e Brigade intégrée basée à Shabunda. (A suivre…)

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